29/06/2009

Textes

Beaucoup d'entre nous ont brulé leurs vaisseaux...
(Scénario)


1) Exterieur. Jour.
Mur de Berlin / Check Point Charlie -2004-
Une main glisse sur le ciel, comme pour nettoyer les nuages.

2) Interieur. Jour.
Marianne I, allongée sur le sol parmi les livres.

Marianne I: Si les temps revenaient, les temps qui sont venus !
Car l'Homme a fini ! l'Homme a joué tous les rôles!
Au grand jour fatigué de briser des idoles
Il ressuscitera, libre de tous ses Dieux.
Et comme il est du ciel, il scrutera les cieux !
L'idéal, la pensée invincible éternelle,
Montera, montera, brûlera sous front !
et quand tu le verras sonder tout l'horizon,
Contempteur des vieux jougs, libre de toute crainte,
Tu viendras lui donner la Rédemption sainte!
-Splendide, radieuse, au sein des grandes mers
Tu surgiras, jetant sur le vaste univers
L'amour infini dans un infini sourire !
le Monde vibrera comme une immense lyre
Dans le frémisement d'un immense baiser!
-Le Monde a soif d'amour : tu viendras l'apaiser.

Extrait de Hiroshima mon amour.
Citations
: Je connais l'oubli. Non tu ne connais pas l'oubli.
Marguerite Duras / Alain Resnais / Nobuhiro Suwa.
1945 / 1959 / 2001.

Marianne I, assise sur un canapé. Des piles de livres devant elle.

Marianne I : J'ai l'impression que la Poésie en général est devenue un instrument porteur du contact humain. Adorno a écrit qu'après Auschwitz on ne pouvait plus écrire de Poésie. Mais mon espoir a été tout a fait le contraire. En 1945, 1946, il me semblait que la Poésie serait mieux à même que la Prose pour expliquer ce qui me pesait à l'interieur. Quand je parle de Poésie, je ne pense à rien de lyrique. A cette époque j'aurai reformulé la phrase d'Adorno de la manière suivante : Après Auschwitz on ne peut plus écrire de Poésie, sinon sur Auschwitz.
(sur ses mots : Primo Lévi - Seul parmi les vivants - Mort d'avoir survécu)

3) Interieur. Jour.
Mains sur un mur d'intérieur/Ongles peints.
MAI MAI MAI.

4) Extérieur. Jour.
Plans de Berlin: Métro Karl Marx. Place Karl Liebknecht.
Plans de Paris: Métro Jean Jaurès. Place de la République. Manifs. Drapeau Rouge.

Extrait de La Reprise du travail aux Usines Wonder de l'Idhec
"Non moi je rentrerai pas! Je rentrerai pas la dedans ! Ca je mettrai plus les pieds dans cette taule hein ! Faut que vous rentriez vous verrez quel bordel que c'est ! On est dégueulasse jusque là, on est toutes noires ! Bien sur les bonnes femmes qui sont dans les bureaux elles elles s'en foutent, elle fayotent avec le patron, c'est tout ce qu'elles savent faire de toute façon"


Extrait de Monika de Ingmar Bergman. (regard/caméra Harriet Anderson)
Citation: Des/enchantements.

Marianne I, se peint les ongles en noir. Sur un journal.

Lui: Le noir nous allait bien. Nous portions le deuil d'un monde qui ne voulait pas de nous et dont nous ne voulions pas non plus.

Extrait de Pierrot le Fou de Jean-Luc Godard. (regard/caméra Anna Karina)

De l'encre noir recouvre peu à peu les pages du journal.

5) Extérieur. Jour.
Marianne I, voiture Paris. Tramway Berlin.
Citation: L'aventure Punk / We can be heroes.
Musique: Tindersticks "Another Night In"

Plans de Berlin. (enseignes et néons du Capital).
Plans de Paris (enseignes et néons du Capital).

Lui
: Il nous fallait trouver notre place. Les villes ne nous faisaient plus peur, nous étions d'ici et maintenant. Le noir nous allait bien. Nous portions le deuil d'un monde qui ne voulait pas de nous et dont nous ne voulions pas non plus. (silence) Il nous fallait trouver notre place. Les villes ne nous faisaient plus peur, nous étions d'ici et maintenant. Les murs fleurissaient et s'écroulaient, notre histoire avancait, elle était au présent. La fumée de Monika nous avait protégé de l'amnésie. Le désespoir était la forme supérieur de la critique.

Une main glisse sur les enseignes et les néons du Capital, comme pour les effacer.
Citation: De l'amnésie.

6) Exterieur. Jour. Café parisien.
Le Veilleur, un livre à la main, marche sur le trottoir et rentre dans le café.
Citation: Non réconciliès.

7) Intérieur. Jour. Café parisien.
Le Veilleur assis au comptoir, un livre ouvert devant lui, tourne son café.
Citation: Non réconciliès.

Le Veilleur
: On aimerait trouver sans chercher...On aimerait trouver sans chercher...On aimerait vraiment trouver sans chercher.
(Pénétrant à son tour dans le café et s'adressant au barman).
Marianne II: La République s'il vous plait!
Le barman: Deuxième à gauche.
Le Veilleur: Vous pensez trouver quoi à la place ?
Marianne II: A la place de quoi ?
Le Veilleur: De la République.
Marianne II: Vous jouez sur les mots, j'ai rendez-vous avec quelqu'un, mais ce que je vais trouver...
Le Veilleur: Savez vous ce que Jaurès disait en 1893 de la République à l'Assemblée ? Jaurès disait que la République était un paradoxe, les citoyens avaient à la fois un pouvoir extraordinaire, ils créeaient les lois, faisaient et défaisaient les gouvernements, révoquaient les ministres, les citoyens étaient des rois dans l'ordre politique. Mais ils restaient réduits à l'état de cerfs dans l'ordre économique. le Capital les jetait en dehors des ateliers. Ainsi la République ne pouvait résoudre seule cette contradiction.
(Marianne II "disparait").
Le Veilleur: Il faut chercher...Il faudrait chercher...Et Salman Rushdie ? Sait-on comment vit Salman Rushdie ?
Une voix off (au barman): Le Père Lachaise s'il vous plait?
Le Veilleur: La même chose...La même chose...(indiquant sa tasse) La même chose !

La Statue de la République tremble.

8) Intérieur. Nuit.
Marianne I, danse sur New Order "True Faith"
Citation: I use to think that the day would never come , That my life would depend on the morning sun.

9) Extérieur. Jour.
La Statue de la République bien en place.
Sur le trottoir devant le cafè, le fantôme du Veilleur croise celui de Marianne I.

Lui: C'était une autre époque. Un siècle où beaucoup d'entre nous ont brulé leurs vaisseaux...

10) Intérieur. Jour.
L'encre a définitivement recouvert le journal.
Une main glisse sur un écran TV.
La neige éléctronique.
Musique: Tindersticks.

Générique / Fin.